Je me dois d’appuyer, de nuancer ou de
m’opposer à chacun des sept points soulevés, présentés comme autant de
contre-indications économiques à notre principal cheval de bataille.
1er
point : M. Harper est flou sur la date d’entrée en vigueur du crédit
annoncé, se réfugiant derrière la notion « quand la situation
financière du gouvernement le permettra ».
Je suis 100 % d’accord avec le
chroniqueur et nous l’avons déjà dénoncé : c’est irresponsable de
promettre un crédit d’impôt sans l’attacher à une date, car les personnes ciblées,
en l’occurrence les propriétaires résidentiels, seront alors incitées à
retarder leurs travaux pour profiter du crédit promis.
2e
point : les crédits d’impôt devraient être instaurés lorsque l’économie
tombe au neutre.
Effectivement. Et c’est le cas, me
semble-t-il. Les économistes s’entendent pour statuer que le pays subit une
contraction financière depuis le début de l’année. Le Conference Board du
Canada a révisé à 1,9 % le taux de croissance de l'économie canadienne,
alors qu'il prévoyait une croissance de 2,4 %. Le taux directeur
commence maintenant par un zéro. Le baril noir s’achète à 45 dollars, une
diminution de 40 % en un an. Le taux de chômage devrait augmenter de 4,5 % en
2014 à 6,8 % cette année. En bref, oui, M. Gagné, l’économie canadienne – et
québécoise – stagne, voire décline. D’où l’à-propos d’un État plus
interventionniste.
3e
point : rendre permanent un crédit d’impôt à la rénovation
subventionnerait une industrie qui se porte très bien.
Le chroniqueur oppose le marché de la
rénovation à celui de la construction neuve. Or, il ignore qu’on parle ici des
deux faces d’une même médaille. L’entrepreneur, par nature, effectue des
travaux, qu’il s’agisse de partir du plan avec les fondations ou de revoir un
bâtiment existant. Le fabricant de matériaux s’en balance un peu que ses
madriers, des revêtements ou ses clous servent à construire ou à rénover. La
quincaillerie accueille avec le même enthousiasme le client qui veut donner une
deuxième couche à son mur avant les moulures décoratives autant que l’autre qui
part avec du gypse et de l’apprêt. Or, cette grande famille que je viens
d’évoquer est - et sera - victime d’une baisse des chantiers que certains
observateurs estiment à 30 %. Elle subira selon d’autres une bulle immobilière
qui ralentira les transactions de maisons existantes, d’où moins de travaux et
de matériaux pour préparer la vente ou adapter l’acquisition aux besoins des
nouveaux occupants. Notre industrie, M. Gagné, ne se porte pas très bien.
4e
point : la pérennisation du crédit d’impôt encouragera les gens à rester
plus longtemps dans leur demeure, ce qui réduira l’offre des maisons à vendre.
Oh que ce raisonnablement est difficile à
suivre. On sous-entend ici qu’il est mauvais d’inciter la population à rénover
davantage et avec qualité leur cocon. Mais pourquoi donc rénove-t-on,
incidemment ? Parfois par nécessité, après une avarie ou un accident. Pour
aider à vendre sa maison. Pour améliorer le confort ou la sécurité de la
maisonnée. Pour adapter la propriété à une nouvelle réalité (enfants, bigénération,
etc.). On ne rénove jamais sans raison. Le caractère permanent d’un crédit
aurait l’énorme avantage d’aider le propriétaire à rénover au moment où il le
juge nécessaire plutôt que sous le stress d’une fin de programme ponctuel.
5e
point : il y a risque de surchauffe dans le secteur résidentiel. Des prix
de maisons trop élevés et une remontée des taux d’intérêt obligeraient à
vendre, d’où des pertes de valeur et une explosion des reprises par les
institutions financières.
Il est clair qu’on a observé sur plusieurs
marchés au Canada et dans quelques quartiers de Montréal ou de Québec une
certaine surenchère. Je suis de ceux qui trouvent plutôt sain que le prix de toute
maison relève d’une logique de marché à l’abri des spéculations, défendu par
des bases plus logiques. Mais de toute façon, cela est un autre débat,
tellement éloigné de la mesure annoncée dont l’objectif principal,
rappelons-le, est d’aider à contrer le travail au noir. Quant à une flambée des
taux d’intérêt, ce n’est pas demain la veille, comme disaient les anciens…
6e
point : l’économie d’impôt ne serait pas suffisante à décourager le
travail au noir.
M. Gagné, quand quelqu’un vous offre un
travail sans facture, c’est pour « sauver sur les taxes ». Et rien
d’autre. Aucun entrepreneur, même bandit, ne va s’aventurer dans une
transaction en dessous de la table en choisissant de réduire sa marge. Il va
proposer le sans-taxes pour séduire le consommateur qui, lui, s’il accepte,
économisera en gros 15 %. Le taux annoncé par le premier ministre sortant est
exactement celui qu’on revendique et qui est en usage dans nombre d’États
américains avec des effets notables sur la réduction du travail au noir dans la
construction/rénovation ainsi qu’un impact positif dans les coffres publics.
7e
point : la mesure vise à mettre de l’argent dans les poches des
propriétaires, ce qui serait discriminatoire à l’endroit des ménages
locataires.
À telle enseigne, supprimons le crédit d’impôt
dont peuvent profiter les athlètes de haut niveau parce que le cycliste du
dimanche n’y a pas droit. Mettons fin au crédit qui donne un répit aux aidants
naturels du fait que tout le monde n’a pas nécessairement la chance d’avoir un
vieux malade à charge. Arrêtons la prestation fiscale pour enfants tant elle discrimine
les célibataires.
Un propriétaire résidentiel doit être
encouragé à réparer, à entretenir et à embellir sa maison. Toute la société
bénéficie d’un patrimoine mieux bâti.
L’AQMAT continuera de se battre pour qu’un
crédit illimité dans le temps et si possible sans plafond financier s’instaure
afin que le travail au noir disparaisse et que la population vive dans de
meilleures résidences.
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