jeudi 19 novembre 2015

Version patronale d’un front commun

Alors que la fonction publique se regroupe pour défendre les intérêts de ses membres, je suis en croisade pour tenter d’obtenir l’adhésion des grands patrons des bannières autour d’une cause commune.

Je parle ici de l’idée de financer un fonds de défense des intérêts de notre industrie à hauteur de 100 000 $.

L’exercice doit servir à commanditer une étude d’experts sur les retombées socio-économiques et fiscales d’un crédit permanent d’impôt pour soutenir l’activité de rénovation.

L’offensive n’est pas que pécuniaire. Elle est aussi logistique dans la mesure où le deuxième volet de la demande faite aux bannières vise à obtenir leur engagement de participer à une ronde nationale de signatures d’une pétition dans leurs réseaux respectifs de magasins en faveur dudit crédit d’impôt permanent.

Si on arrive à déposer, fin janvier, un lot cumulé de 35 000 signataires, soit une personne sur 1 000 Canadiens, on détiendra un appui populaire pouvant inciter le monde politique et les médias à s’intéresser à notre rapport sur les retombées nettes.

Une telle action collective et solidaire, toutes bannières confondues, serait, selon les plus vieux routiers consultés, une première.

L’AQMAT, avec le concours de ses associations soeurs, peut mener des représentations dont le but avoué est d’influencer le nouveau gouvernement canadien et ses contreparties provinciales. Parce que nous défendons des intérêts collectifs, ceux des magasins, des bannières, de leurs fournisseurs et même des consommateurs.

Sans oublier les finances publiques.

En effet, notre étude devrait démontrer que l’apparent manque à gagner que représente un crédit d’impôt permanent sera largement comblé par des sommes incroyables récupérées sous forme d’impôts sur le revenu découlant d’un combat au travail au noir, de taxes de vente sur plus de produits légaux face au fléau des produits piratés et de la contrefaçon, sur une augmentation du PIB grâce à des achats de meilleurs produits et à des travaux effectués par des professionnels.

À vrai dire, cette croisade, je ne l’ai pas choisie. Elle s’imposait.

vendredi 14 août 2015

À propos de la pérennité d'un crédit d'impôt à la rénovation

L’édition de la semaine courante du journal Les Affaires m’a fait bondir. Le vénérable chroniqueur Jean-Paul Gagné y signe une charge argumentée comme un béton qu’on aurait armé contre l’idée d’un crédit d’impôt permanent à la rénovation.

Je me dois d’appuyer, de nuancer ou de m’opposer à chacun des sept points soulevés, présentés comme autant de contre-indications économiques à notre principal cheval de bataille.

1er point : M. Harper est flou sur la date d’entrée en vigueur du crédit annoncé, se réfugiant derrière la notion  « quand la situation financière du gouvernement le permettra ».

Je suis 100 % d’accord avec le chroniqueur et nous l’avons déjà dénoncé : c’est irresponsable de promettre un crédit d’impôt sans l’attacher à une date, car les personnes ciblées, en l’occurrence les propriétaires résidentiels, seront alors incitées à retarder leurs travaux pour profiter du crédit promis.

2e point : les crédits d’impôt devraient être instaurés lorsque l’économie tombe au neutre.

Effectivement. Et c’est le cas, me semble-t-il. Les économistes s’entendent pour statuer que le pays subit une contraction financière depuis le début de l’année. Le Conference Board du Canada a révisé à 1,9 % le taux de croissance de l'économie canadienne, alors qu'il prévoyait une croissance de 2,4 %. Le taux directeur commence maintenant par un zéro. Le baril noir s’achète à 45 dollars, une diminution de 40 % en un an. Le taux de chômage devrait augmenter de 4,5 % en 2014 à 6,8 % cette année. En bref, oui, M. Gagné, l’économie canadienne – et québécoise – stagne, voire décline. D’où l’à-propos d’un État plus interventionniste.

3e point : rendre permanent un crédit d’impôt à la rénovation subventionnerait une industrie qui se porte très bien.

Le chroniqueur oppose le marché de la rénovation à celui de la construction neuve. Or, il ignore qu’on parle ici des deux faces d’une même médaille. L’entrepreneur, par nature, effectue des travaux, qu’il s’agisse de partir du plan avec les fondations ou de revoir un bâtiment existant. Le fabricant de matériaux s’en balance un peu que ses madriers, des revêtements ou ses clous servent à construire ou à rénover. La quincaillerie accueille avec le même enthousiasme le client qui veut donner une deuxième couche à son mur avant les moulures décoratives autant que l’autre qui part avec du gypse et de l’apprêt. Or, cette grande famille que je viens d’évoquer est - et sera - victime d’une baisse des chantiers que certains observateurs estiment à 30 %. Elle subira selon d’autres une bulle immobilière qui ralentira les transactions de maisons existantes, d’où moins de travaux et de matériaux pour préparer la vente ou adapter l’acquisition aux besoins des nouveaux occupants. Notre industrie, M. Gagné, ne se porte pas très bien.

4e point : la pérennisation du crédit d’impôt encouragera les gens à rester plus longtemps dans leur demeure, ce qui réduira l’offre des maisons à vendre.
Oh que ce raisonnablement est difficile à suivre. On sous-entend ici qu’il est mauvais d’inciter la population à rénover davantage et avec qualité leur cocon. Mais pourquoi donc rénove-t-on, incidemment ? Parfois par nécessité, après une avarie ou un accident. Pour aider à vendre sa maison. Pour améliorer le confort ou la sécurité de la maisonnée. Pour adapter la propriété à une nouvelle réalité (enfants, bigénération, etc.). On ne rénove jamais sans raison. Le caractère permanent d’un crédit aurait l’énorme avantage d’aider le propriétaire à rénover au moment où il le juge nécessaire plutôt que sous le stress d’une fin de programme ponctuel.

5e point : il y a risque de surchauffe dans le secteur résidentiel. Des prix de maisons trop élevés et une remontée des taux d’intérêt obligeraient à vendre, d’où des pertes de valeur et une explosion des reprises par les institutions financières.

Il est clair qu’on a observé sur plusieurs marchés au Canada et dans quelques quartiers de Montréal ou de Québec une certaine surenchère. Je suis de ceux qui trouvent plutôt sain que le prix de toute maison relève d’une logique de marché à l’abri des spéculations, défendu par des bases plus logiques. Mais de toute façon, cela est un autre débat, tellement éloigné de la mesure annoncée dont l’objectif principal, rappelons-le, est d’aider à contrer le travail au noir. Quant à une flambée des taux d’intérêt, ce n’est pas demain la veille, comme disaient les anciens…

6e point : l’économie d’impôt ne serait pas suffisante à décourager le travail au noir.

M. Gagné, quand quelqu’un vous offre un travail sans facture, c’est pour « sauver sur les taxes ». Et rien d’autre. Aucun entrepreneur, même bandit, ne va s’aventurer dans une transaction en dessous de la table en choisissant de réduire sa marge. Il va proposer le sans-taxes pour séduire le consommateur qui, lui, s’il accepte, économisera en gros 15 %. Le taux annoncé par le premier ministre sortant est exactement celui qu’on revendique et qui est en usage dans nombre d’États américains avec des effets notables sur la réduction du travail au noir dans la construction/rénovation ainsi qu’un impact positif dans les coffres publics.

7e point : la mesure vise à mettre de l’argent dans les poches des propriétaires, ce qui serait discriminatoire à l’endroit des ménages locataires.

À telle enseigne, supprimons le crédit d’impôt dont peuvent profiter les athlètes de haut niveau parce que le cycliste du dimanche n’y a pas droit. Mettons fin au crédit qui donne un répit aux aidants naturels du fait que tout le monde n’a pas nécessairement la chance d’avoir un vieux malade à charge. Arrêtons la prestation fiscale pour enfants tant elle discrimine les célibataires.

Un propriétaire résidentiel doit être encouragé à réparer, à entretenir et à embellir sa maison. Toute la société bénéficie d’un patrimoine mieux bâti.

L’AQMAT continuera de se battre pour qu’un crédit illimité dans le temps et si possible sans plafond financier s’instaure afin que le travail au noir disparaisse et que la population vive dans de meilleures résidences.

jeudi 6 août 2015

Un crédit permanent, mais aussi sans plafond et sans délai, contre-propose l’AQMAT


On se réjouit de la promesse électorale des conservateurs d’introduire un crédit d’impôt permanent à la rénovation, une mesure que l’organisme demande depuis plus de cinq ans. Sauf que pour être pleinement efficace, un crédit d’impôt permanent ne devrait pas être limité à des travaux d’une valeur aussi basse que 5 000 $ et surtout, il devrait être implémenté dans les meilleurs délais.

Le caractère permanent du crédit d’impôt promis par le premier ministre sortant en ce début de campagne électorale change complètement la donne. Je suis heureux que l’annonce place la rénovation et son soutien par l’État au premier plan de la prochaine élection.

Les avantages fiscaux ponctuels sont loin d’être inutiles, mais leur impact comporte une part d’effets pernicieux.

Au nombre des inconvénients, la difficulté de requérir aux services d’un entrepreneur du fait que les carnets de commandes se remplissent à chaque mesure gouvernementale temporaire. Leurs tarifs peuvent aussi gonfler en raison de la rareté des ressources.

Plus incident est le facteur d’empressement que provoque tout programme temporaire : on procède à des travaux dans l’urgence au lieu de les réaliser au meilleur moment, selon l’état de la propriété et les projets du ménage.

En réalité, un crédit d’impôt dans le secteur de l’habitation doit viser non seulement à stimuler l’activité économique, mais aussi à combattre le travail au noir qui sévit encore dans l’industrie et à inciter les investissements durables dans le patrimoine bâti. Dans cette perspective, le taux annoncé de 15 % applicable aux rénovations d’une valeur minimale de 1 000 $ peut inciter les contribuables à confier leurs travaux à des professionnels.


Une annonce trop d’avance ralentirait l’économie

L’AQMAT est d’avis que le crédit ne peut attendre à 2017 ni être conditionné à un critère aussi flou que « si la situation économique le permet », pour reprendre les mots de M. Harper.

Promettre un avantage fiscal aussi loin dans le temps provoquerait assurément un ralentissement des affaires puisqu’une partie de la population retarderait ses projets de rénovation dans l’attente du crédit d’impôt.


Sans plafond

En plafonnant à 5 000 $ par année la valeur des travaux admissibles, la promesse perd aussi beaucoup de son attrait. L’idée d’un maximum est une mauvaise piste. Je suggère de ne pas limiter de montant annuel, mais de s’assurer que les dépenses concernent strictement la résidence principale du requérant.

Une mesure bonifiée, soutient l’AQMAT, aurait un double effet positif: des revenus compensatoires plus grands pour le gouvernement, sous forme de taxes et impôts payés par les entreprises et les travailleurs concernés, avec en prime, une amélioration du patrimoine bâti en vertu de travaux et de matériaux potentiellement de meilleure qualité.

Une pétition sera lancée sous peu auprès des entreprises membres en faveur de ses deux amendements.


Cheval de bataille

Soulignons qu’en avril 2015, 63 dirigeants de quincailleries et centres de rénovation ont répondu à la question : L'AQMAT doit-elle continuer de demander l'instauration d'un crédit d'impôt permanent? Ils ont été 91 % à considérer notre action utile, voire  indispensable .

Également, en mars 2014, pas moins de 123 propriétaires-marchands et directions de bannières de quincailleries ont signé une pétition initiée par l’AQMAT afin que soit instauré un congé fiscal continu, correspondant à l’écart-type entre les coûts de travaux exécutés légalement et ceux faits « sous la table », applicable à toute intervention faite par un professionnel licencié et impliquant des matériaux satisfaisant les codes et normes en vigueur.

C’est donc dire que la promesse de Stephen Harper est accueillie avec enthousiasme par la direction de l’AQMAT qui est maintenant en droit d’espérer que les autres chefs de partis en lice feront du pouce sur l’idée en proposant un crédit non seulement illimité dans le temps, mais aussi en termes d’enveloppe budgétaire.

lundi 25 mai 2015

Deux inquiétudes planent sur les petits commerces montréalais

Notre métropole, fait face à des choix déchirants pour son positionnement commercial. 

Accepter, comme elle vient de le faire, que les magasins de certaines zones ouvrent 24 h / 7 jours va rendre la vie difficile aux petits commerces, obligés de suivre une cadence où les grandes bannières sont plus à leur aise en raison de leurs ressources mieux adaptés à gérer les mouvements de personnel et à une logistique accrue. D’un autre côté, l’offre élargie va séduire le consommateur urbain.


La question de savoir si les ventes au bout d’une semaine de 168 heures seront plus élevées qu’à l’intérieur des 72 heures actuelles se pose-t-elle? Mais non, elle ne se pose pas. Jamais les frais directs en voie d'exploser ne justifieront les recettes supplémentaires.


Un personnel réduit au minimum à certaines heures afin de juguler les coûts provoquera les cas de vols et de fraudes, d'autant que, sans verser dans le profilage, on peut raisonnablement croire qu'un client à 4 heures du matin pourra être plus joyeux et moins bien intentionné qu'un client à 4 heures de l'après-midi!


L'embauche aussi se complexifiera: qui veut travailler de nuit sans de généreuses primes salariales que les commerces de détail n'ont pas la marge d'offrir?


L’autre décision grave que l’administration Coderre doit prendre concerne l’accord à donner, ou non, au méga centre commercial appelé RoyalMount. Le projet de 1,7 milliard de dollars envisagé, tel le DIX30, aux intersections d’autoroutes 15 et 40, confronte deux visions de l’urbanisme et du vivre en ville. 

 Photo : Carbonleo


« Magasiner » en ville est synonyme de rues parsemées de boutiques et d’échoppes. C’est le contre-poids aux centres commerciaux avec appendices de divertissement qui s’étalent en périphérie.


Les deux offres se complètent et adressent des concepts séduisant en fait des profils de consommateurs assez différents.


Or, RoyalMount, c’est la banlieue qui s’invite dans la cité. Le chien dans un jeu de quilles. C'est l'intrus parmi une quantité de magasins avec pignon sur rue, disséminées par grappes, dont la plus importante est la Sainte-Catherine.


Je suis de ceux qui croient qu’une ville, de surcroît une métropole, ne se réduit pas à sa seule dimension. Outre d’être une grande agglomération, toute ville a une signature, une architecture, un design, un esprit. 


Fermez les yeux et rouvrez-les à Boston, vous savez que vous y êtes. Refermez-les et faites-vous téléporter cette fois à Londres, et vous savez immédiatement où vous êtes quand vous les rouvrez.


Maintenant, fermez de nouveau les yeux pour les rouvrir dans un de ces méga-centres, et vous vous apercevez que vous n’êtes nulle part.


Je suis pour le projet. Mais rebaptisons-le RedMount à Rougemont. RigaudMount. 'OliettMount. Pas dans notre métropole.


vendredi 13 mars 2015

Rénovations: du rêve au cauchemar

Je cède cette semaine mon espace de blogue au journaliste Daniel Germain qui a publié cette semaine ce récit dans Les Affaires.

Publié par Daniel Germain dans Les Affaires le 10/03/2015 à 13:03
Il y a de ces rénos qu’on entreprend sur un coup de tête, comme celles de ma salle de bain que je ne suis plus capable de voir, avec ce lavabo en forme de coquillage dont la couleur est indéfinie. «C’tu jaune? C’tu beige? C’tu crème?» On ne sait pas trop.

Ce devait être au départ une opération cosmétique, mais finalement on arrache tout, on défonce et on recommence. Il a fallu que ma blonde me montre des photos de douche italienne sur Pinterest pour que ma raison hisse un drapeau blanc et que le projet gagne de l’envergure.

Et il y a ces travaux majeurs qui murissent des années dans notre tête. Vous savez ceux qu’on repousse jusqu'au moment du dernier versement hypothécaire. L’ultime rénovation! On en rêve durant des années. «Un jour…»

Pour mon voisin, c’était un solarium. Il habite un bas de duplex, avec une jolie petite cour fleurie qui, de juin à septembre, accueille les soupers familiaux du dimanche. Il a acquis l’immeuble à la fin des années 1990, qu’il a converti en condos quelques années plus tard. Les copropriétaires du haut sont de la famille. Ça va, ça vient, comme dans une commune.

«Ce projet de solarium, avec la grande terrasse en haut, nous l’entretenons depuis que nous avons acheté le duplex», me raconte-t-il, attablé dans la nouvelle pièce vitrée de sa maison. Heureux? Amer plutôt. Les coûts des travaux ont explosé, tout comme l’échéancier. La bisbille s’est installée entre lui, l’entrepreneur et un des fournisseurs qui le menaçait encore la semaine dernière par téléphone, alors qu’il était dans un remonte-pente avec sa fille, de venir récupérer l’escalier extérieur. «J’ai passé une autre nuit blanche», dit-il, contemplant la fissure qui fait son chemin sur le nouveau plancher chauffant en céramique.

C’est une vraie histoire d’horreur dont j’ai été en partie témoin. Quand je lui ai demandé de me la détailler au bénéfice des lecteurs, il n’a pas hésité, comme s’il voulait se livrer à un exercice libératoire. Une sorte de catharsis. Mais il est aussi conscient du potentiel pédagogique de sa mésaventure: «J’ai commis plusieurs erreurs», reconnaît-il.

Il évoquait ce projet depuis quelques années déjà, et, chaque été, avec plus de détails. Le solarium, qui s’ouvre à la grandeur, allait permettre de profiter de la cour, beau temps, mauvais temps. Sur le plan figurent aussi une petite piscine à jets dans laquelle on peut nager sur place ainsi qu’une grande terrasse au deuxième, au-dessus de l’extension à la maison.

Comment un projet dérape

Il y a un an, mon voisin a fini de rêver. Il était prêt à passer à l’action. «J’avais totalement remboursé l’hypothèque.» Après des recherches sur le net, il décide de faire affaire avec un fabricant de solariums, qui coordonnera l’ensemble des travaux. Il a pris soin de recueillir des références. Toutefois, il aurait dû faire dessiner des plans par un architecte-paysagiste et demander des soumissions ensuite. Mais son erreur la plus coûteuse aura sans doute été son excès d’enthousiasme et son impatience à voir se réaliser ce projet qui, pourtant, avait attendu des années.

Plan en mains, il demande un permis à la ville. Il n’avait pas prévu la lenteur des fonctionnaires municipaux. Nous sommes au printemps et mon voisin est désormais résolu à profiter de sa piscine à l’été. On lui accorde son permis, non sans un retard de plusieurs semaines.

Un problème surgit alors: l’homme qu’il a engagé pour faire les travaux ne donne plus signe de vie. Ce dernier se manifeste finalement au bout de deux semaines pour se désister en évoquant des problèmes de santé. «Mais bonne nouvelle, dit-il du même souffle, j’ai quelqu’un qui peut faire la job à ma place.»

Alors se pointe ce type bedonnant et en sueur qui ne respire pas la santé non plus, le genre qu’on soupçonne sous la menace constante d’une crise cardiaque. «Je voulais que les travaux débutent au plus vite, je n’ai pas demandé de références. Une autre de mes erreurs», raconte mon voisin, qui s’est dit rassuré par la teneur du contrat qu’ils ont signé.

Bien que détaillé, le contrat omettait des éléments essentiels, comme l’excavation et la dalle de ciment pour accueillir la piscine. «Je croyais que c’était le fabricant de la piscine qui s’en occupait.» Et d’autres changements sont apportés au plan, mais sans modifier le contrat. «On s’entendait verbalement». Le voisin réclamait des états de compte, mais l’entrepreneur ne lui en fournissait pas. «Je lui faisais des chèques selon un calendrier déterminé entre nous, mais je n’avais pas idée de ce que je lui devais, compte tenu des imprévus et des changements apportés au plan initial».

Puis les travaux ont bloqué. L’entrepreneur avait promis de livrer début juin, mais prétextant le mauvais temps, il a pris des semaines de retard. Je doute que la météo soit en cause, de ma fenêtre, je pouvais voir son personnel se trainer les pieds, fumer des clopes, texter sur leur cellulaire. C’était gênant.

Puis arrive juin. Juillet. Août. Le voisin n’est pas prêt de se baigner. La cour est un chantier, la ruelle ressemble à un dépotoir. Le ton monte. Puis le fournisseur essaie de rogner sur la qualité des matériaux convenus, constatant sans doute que sa marge de profit est à risque.

Survient ensuite le chapitre de l’escalier, installé en… décembre. L’entrepreneur ne veut pas payer cet escalier prévu au contrat et tente de refiler la facture au client. Exaspéré et impatient d’en finir, ce dernier propose d’en payer la moitié. Sans succès. Maintenant, c’est le fabricant de l’escalier qui s’est tourné contre mon voisin pour se faire payer. C’est entre les mains des avocats.

Bien entendu, le budget a été largement défoncé, sans compter les frais du juriste. Mais il y a pire. «Je ne suis même pas convaincu de la qualité des travaux.»

Il en a rêvé durant des années. Il vit maintenant un cauchemar.

Comment éviter ce genre de capharnaüm

Qu’aurait-il dû faire pour éviter tout ça? J’ai posé la question à Andrei Uglar, président de SmartReno. Cette entreprise du Vieux-Montréal agit comme un courtier en entrepreneurs. On lui présente son projet de rénovation, et elle nous propose trois entrepreneurs qui soumissionneront pour avoir le contrat.

Il est essentiel de demander plusieurs soumissions. «Et ne pas choisir nécessairement la plus basse», affirme le président de SmartReno. Des soumissions trop basses débouchent souvent sur des imprévus et des extras.

Il faut recueillir des références. N’hésitez pas à appeler d’anciens clients pour savoir s’ils sont satisfaits. «Exigez des photos des anciens projets», conseille Andrei Uglar. A-t-il fait l’objet de plainte à la Régie du bâtiment? A-t-il sa licence? Est-il assuré? Offre-t-il une garantie pour les travaux?

Méfiez-vous aussi de ceux qui se présentent en retard au premier rendez-vous, ou malengueulés. Leur camion est-il propre? Porte-t-il le nom de l’entreprise? Ça ne fait pas foi de tout, mais ce peut être autant de signes qui témoignent du professionnalisme de l’entrepreneur.

Enfin, assurez-vous que le contrat est clair et détaillé. Et si vous apportez des changements en cours de route, inscrivez-les.

Cela vous évitera bien des dépenses. Et peut-être des nuits blanches.

vendredi 6 mars 2015

La clientèle s'est féminisée. Notre industrie, elle?

La Journée internationale des femmes tombe un dimanche, cette année. Auront-elles double congé après une semaine de relâche pour tous, sauf pour elles? 

Je n'ai pas la réponse.  

Ce que je sais pour sûr en revanche, c'est que notre magazine Quart de Rond se penche sur celles qui, rares, trop rares, ont choisi de faire carrière dans notre bastion masculin.

Je sais aussi que pendant que notre marché s’enrichissait d’une évidente dimension féminine, nos commerces demeuraient masculins. Du moins, leurs propriétaires le demeuraient. En témoigne cette statistique éloquente: 139 femmes sont propriétaires des 1019 quincailleries et centres de rénovation recensés au Québec. 

Exprimé en pourcentage, le ratio femmes/hommes marchands est tout aussi désolant qu’en nombres absolus: seulement 13,6 % de femmes figurent dans la propriété des magasins d’ici.


C'est quand même fascinant que si peu de femmes semblent avoir le goût de diriger des magasins où les décisions de rénovation se prennent de plus en plus par elles, comme presque tout ce qui concerne la maison d'ailleurs.

Certes, les quincailleries et les centres de rénovation emploient un peu plus de femmes. Mais pas au point de nous déloger du triste record d'être le secteur du détail où on en retrouve le moins; même moins que dans les magasins de vente d'appareils électro-ménagers ou d'automobiles. Un peu gênant.

Je m'amusais jaune à constater que le conseil d'administration de l’AQMAT est à l’image conservatrice de son industrie. Depuis la création de notre Association en 1940, il y a eu 54 présidents du conseil d’administration et seulement trois présidentes du conseil d’administration. 

Au moment d’écrire ces lignes, une seule femme (Me Isabelle Toupin du cabinet légal LKD) siège au conseil d’administration 2014-2015 aux côtés de neuf hommes.

À l’heure actuelle, tous les présidents et chefs de la direction des bannières canadiennes et américaines sont des hommes. Il y a eu Annette Verschuren à la tête de Home Depot Canada pendant quinze ans jusqu’en 2011, et c’est à peu près tout. 

Reste à espérer que cette place prépondérante qu'on accorde aux femmes dans nos pages de magazine imprimera de nouvelles idées dans la tête des dirigeants...

vendredi 27 février 2015

Quand la convergence atteint tous les commerces

Le commerçant, l'authentique, se dirige dans le mur. Le mur de béton et de briques dans lequel il s'est enfermé, à quelques souks près.

Selon le cabinet Richter, qui organisait cette semaine un petit déjeuner fort instructif sur l'ère nouvelle du détail, le e-commerce avance comme le désert, à raison de 5 à 10 % chaque année, selon les secteurs. Qui plus est, aucun secteur ne semble épargné par ce raz, pas même les ventes d'automobile.

Il y a peu, on pensait qu'élargir ses horizons en s'affichant la vitrine sur le world wide web suffirait à donner un souffle de plus aux commerces.

Les médias traditionnels ont pensé et agi ainsi. Ils ont créé des extensions web au début. Pour se rendre compte, lentement et inéluctablement, que l'Internet représentait un média en soi. Avec ses propres besoins et éventuellement avec ses revenus autonomes. S'en est suivi l'univers des médias sociaux. Lui aussi perçu comme une extension du web dans un premier temps, puis revisité sous la forme de centres de coûts et de bénéfices plus indépendants.

Sur mille quincailleries et centres de rénovation au Québec, on compte sur les doigts des deux mains ceux qui gèrent un magasin en ligne en parallèle à leur espace qui a pignon sur rue. La majorité n'a toujours pas de site web même non transactionnel, se satisfaisant d'être par défaut dans le site de leur bannière.

Qui saura éveiller nos troupes sur le fait que l'activité virtuelle ne représente plus un luxe, un coup de pouce, un ptit extra qui ne va rien bousculer sous prétexte que rien ne change vraiment?

Qui leur démontrera qu'il ne s'agit plus de penser développement, mais survie, et  ce grâce au potentiel du virtuel.

C'est sans doute à nous, leur Association, de prendre le bâton du pèlerin.

Convertir nos marchands à la nécessité de démarrer des opérations transactionnelles sur Internet ne sera pas une mince besogne; toutes nos ressources devront s'aligner sur le but visé.

Un premier moyen d'ampleur a été pris en créant la plateforme boutique.aqmat.org . Pour aussi peu que 14 petits dollars par mois, une quincaillerie peut se doter d'un catalogue de produits et services transactionnel, équipé des meilleures caractéristiques pour assurer le paiement et la livraison des marchandises.

Un second outil a été sélectionné, les Pages Jaunes, entreprise qui s'est transformée radicalement s'il en est une. Des forfaits efficaces et abordables ont été négociés au bénéfice de nos marchands.

Le travail consiste maintenant à accompagner les marchands, un par un. Leur faire réaliser que tout magasin est appelé à muer profondément. À devenir un espace de conseils, de démo, d'exposition. Partie prenante d'une action commerciale que je baptiserai de convergente, où l'internet trônera en vaisseau amiral, avec à son bord des technologies aptes à prendre compte de la mobilité de ses clients et de leur appétit boulimique pour la personnalisation.

On vit une époque formidable. Je me sens en pleine révolution. Tel un industriel en 1840 alors que le transport ferroviaire amende profondément la société et l'économie. Ou cinquante ans plus tard quand l'invention du moteur électrique est venue affubler l'artisan d'une chape de production manufacturière. Des périodes hautement menaçantes. Dérangeantes. Exaltantes aussi.

Nous sommes des témoins privilégiés, voire de modestes acteurs, de la mainmise de l'informatique sur la vie commerciale. Cela a commencé sur la pointe des claviers dans les années '70 pour s'accélérer en nous bombardant de particules numériques à des rythmes effrénés. Qu'il faut suivre.

"Marche ou crève": pep talk ou parole apocalyptique? En tout cas, titre d'un livre de Stephen King.

C'est quand même fou comme on s'adapte à tout. Vous souvenez-vous comme moi de la difficulté à taper les lettres www et que dire des lettres http suivies de deux // ? On n'aurait jamais deviné qu'on "naviguerait" sur des fenêtres de deux pouces par trois pouces.

vendredi 20 février 2015

Commercer ou marchander?

Faites-vous vraiment du commerce?

Vérifiez vous-même la définition: le commerce désigne l'activité d'achat découlant naturellement d'une activité de production dans le but de revendre un bien ou un service avec un profit ou un bénéfice. Certains suggèrent que le commerce soit à l'origine de l'écriture, inventée il y a 5500 ans environ par les commerçants sumériens pour leur comptabilité.

Êtes-vous plutôt du genre à marchander? Cette activité consiste à offrir une marchandise à un prix inférieur au prix demandé. Au Nouveau-Brunswick, on parle de bargaineux.

Je pense que pour la plupart, vous êtes l'un et l'autre. Et vous ne devriez pas.

Je sors de la Conférence nationale du chauffage aux granules de bois où j'animais un panel sur les problèmes reliés à l'approvisionnement saisonnier.

Plusieurs scieries ayant fermé, la quantité de copeaux et de sciures est plus limitée, d'où des problèmes d'inventaire subis par nos membres qui ont choisi les poêles et les foyers aux granules comme niche. Lire à ce sujet ce reportage paru récemment dans Le Soleil et La Presse: Les granules de bois se font rares

Mon propos d'aujourd'hui porte sur la part de responsabilité du phénomène de pénurie qui incombe à nos quincailleries et centres de rénovation.

Quand reviennent les temps froids, une bonne partie de nos membres offrent les sacs de granules à prix réduit pour attirer la clientèle. En fait, ils agissent ainsi pour apparaître plus "agressifs" que leurs concurrents afin de leur tirer le tapis d'en-dessous les pieds.

Certains pourront trouver le geste efficace. Je le qualifie de nocif.

Ce drainage de prix vers le bas ne fidélise pas un client, il ne fait que le piéger pour un achat ponctuel à rabais. L'action envoie le message que ce marchand offre des prix plus bas que ses concurrents.

Est-ce une position possible à maintenir à long terme? Pour Walmart qui en fait son crédo, sans aucun doute. Pour une quincaillerie ou un centre de rénovation parmi d'autres, je ne pense pas.

Revenons aux granules. Il est vrai que le produit a l'allure quelconque et générique d'une commodité qu'on pourrait présenter comme un "loss leader", c'est-à-dire un produit qu'on vend délibérément sous le prix attendu par le marché, voire sous notre coûtant, dans le but d'attirer la clientèle et d'espérer qu'elle vienne au magasin acheter autre chose, cette fois à plein prix.

Les granules de bois sont NÉCESSAIRES à toute personne qui possède un appareil de chauffage utilisant ce combustible puisqu'il ne peut employer d'alternatives. Un participant au panel d'hier m'a nargué en me demandant devant le public si je trouverais logique de voir en pharmacie des masques Halloween en vente une semaine avant la fête. Bien sûr que non. C'est pourtant ce que vos marchands font avec les granules, me dit-il: quand la clientèle en a besoin, au lieu de garder les prix forts, on assiste à une lutte de prix vers le bas.

Tout le monde perd à ce match. Liquidons la marchandise quand on a des restants d'inventaire. Pas au début d'une saison. Agissons avec une confiance dans nos services et la volonté de devenir une destination fréquente pour chaque client, une occasion de démontrer que notre magasin est unique.

Pouvons-nous SVP revenir aux fondamentaux: revendre des biens et des services avec l'objectif d'un profit pour nous et d'un bénéfice pour le client. 




vendredi 13 février 2015

Nos quincailleries: froides ou chaudes?

Un vendredi 13 suivi d'une Saint-Valentin formaient déjà un cocktail suffisant pour émoustiller les célibataires et les couples qui me lisent. Voilà qu'en plus s'amène la sortie du film Fifty Shades of Gray.

Vous ne saviez pas que l'histoire du film et du livre est en partie campée dans une quincaillerie? Demandez à votre femme ou à ses amis, elles, elles le savent.

En effet, le protagoniste dominant achète dans une quincaillerie les cordes, câbles, rubans et autres accessoires utiles - ou agréables - à ses fantaisies imposées à sa contrepartie. Cette seule scène et l'idée générale du film et du livre convainquent les directeurs de territoire de certaines bannières de recommander à leurs magasins de surveiller toute rupture de stock en ces domaines.

La recommandation de la fin de semaine face à un client venu acheter cordes, ruban et pourquoi pas une chaîne: évitez de lui demander des détails sur les travaux de réno qu'il ambitionne de faire!

Voyez ici, coquins, l'extrait du film qui stimulera vos ventes ou votre imaginaire:



Pendant ce temps, peut-être avez-vous visionné la publicité anti-centre de rénovation des magasins Multi Luminaires. On y voit un commis désabusé, au point où la cliente quitte pour une boutique spécialisée. Cette annonce est diffusée régulièrement sur Radio-Canada. Elle attaque subtilement l'attitude des employés des quincailleries et du service afférent.

Qui a raison entre le scénariste de 50 Shades qui met en scène une employée de quincaillerie très allumée devant les besoins de son client et celui de la pub de Multi Luminaires montrant un employé complètement éteint?

Et vos employés de magasin à vous, ils se comportent comment?

La bonne réponse latine: "In Medio Stat Virtu". On peut parler en français de la recherche du juste milieu où l'on trouve non pas la médiocrité, mais l'équilibre.

Sur cette pensée chère à l'éthique promue par Aristote, je vous souhaite un week-end dénué de la peur parfois associée aux vendredis 13, mais tout de même truffé d'inattendus, sels de la vie.

vendredi 30 janvier 2015

Le discours sur la nation refait surface

Au moment où on organisait la troisième édition du Gala Reconnaissance AQMAT dans le Vieux-Québec, à l'autre bout du pays, à Calgary plus précisément, nos collègues de la Western Retail Lumber Association (WRLA), tenait la première édition de son fameux Salon des Prairies, depuis toujours exposé à Saskatoon et à ses vents glacials.

Or, le président du conseil d'administration de notre association soeur a eu l'heur de réchauffer l'atmosphère en lançant un plaidoyer en faveur d'une seule association nationale unifiée, reconnaissant les différences régionales.

Plus précisément, ce Rob Hauser a proposé de jeter les bases d'une seule association en lieu et place des cinq actuelles que sont, par ordre géographique d'est en ouest, ABSDA, AQMAT, LBMA, WRLA et BSIA.

L'argument en faveur d'un regroupement des cinq associations est économique et ergonomique. Semble-t-il qu'on se chevauche, qu'on se dédouble, d'où une génération de coûts et d'efforts pouvant être rationalisés.

Notre monde associatif débarque avec de bien gros sabots dans l'arène politique. De folles réunions en perspective à ramener sur le tapis Charlottetown, le Lac Meech, etc., avec forcément, à la clé, deux compréhensions, toutes deux légitimes, du sens à donner au mot "national".

Le débat a déjà eu lieu au sein d'à peu près toutes les fédérations de sport versus leur grand frère fédérateur. Aussi au niveau du Conseil canadien du commerce de détail par rapport à son pendant local, le Conseil québécois du commerce de détail. Idem pour le secteur des municipalités, du patronat, des chambres de commerce, etc.

L'intention est louable à tout coup. La réalité, ou plutôt les réalités, rattrapent vite la théorie cependant.

Quelles sont-elles ces réalités? C'est d'accepter que nous ayons beaucoup plus que des "différences régionales" entre nous tous. Donnons quelques exemples sur ce qui nous sépare, voire nous oppose.

L'orientation de nos cinq magazines est diamétralement opposée. La nôtre est résolument journalistique, son contenu est fait maison à 100 % et nous contrôlons toute la sollicitation publicitaire. Résultat: Quart de Rond offre un contenu exclusif d'une couverture à l'autre et génère des surplus nets de l'ordre de 200 000 $, lesquels nous permettent de compter sur du personnel à pied d'oeuvre pour offrir une pléiade de 50 produits et services aux membres.

Les quatre autres publications sont gérées à l'extérieur, sans ligne éditoriale, offrant du coup peu de contenu original et générant très peu de bénéfices.

L'AQMAT tient un congrès annuel où sont confrontées des positions à défendre face au gouvernement du Québec, très rarement à l'égard du palier fédéral. Aucune des quatre autres associations ne tient pareilles assises. Et de toute façon, les sujets qu'on aborde (heures d'ouverture, crédits d'impôts, formations certifiées) ont peu à voir avec l'actualité des autres provinces.

Nos compères organisent des sessions de formation sur l'estimation des projets de rénovation et autres cours techniques. Des milliers de marchands les suivent. Ces cours ne sont pas exportables chez nous, un peu en raison de la langue, beaucoup plus à cause des contenus; nos normes de construction étant différentes à bien des égards.

Les quatre tiennent ou souhaitent tenir un salon sur leur territoire. L'AQMAT a décidé il y a deux décennies de laisser les bannières occuper ce champ d'action. Ces expositions occupent 50 % à 75 % du temps disponible de leurs employés. Ce n'est pas notre cas.

Les études de benchmarking que conduisent nos collègues du ROC (Rest of Canada) s'en tiennent à des données somme toute génériques: les salaires et les avantages sociaux. Notre GPS ratisse cent fois plus large, mille fois plus profond, compilant et comparant les finances et l'administration des marchands sous 300 types de croisements de données.

L'AQMAT publie semestriellement un Catalogue des Nouveautés qui rejoint les marchands de tout le Canada et dans les deux langues. Nous avions d'abord proposé à nos collègues de co-éditer cette publication. Devant leur manque d'intérêts, nous avons procédé seuls et réussissons fort bien l'opération qui s'avère, après trois ans, à la fois utile aux fournisseurs comme média, agréable pour les marchands lecteurs et rentable pour nous.

Nos memberships diffèrent aussi totalement en nombre et en qualité. Pour notre part, nous avons choisi d'accueillir sur un pied d'égalité fournisseurs et marchands. Pas eux. Nous acceptons les magasins corporatifs comme les Home Depot ou les Patrick Morin. Pas eux. Nous acceptons les boutiques spécialisées, comme en peinture. Pas eux. Nous soumettons l'adhésion à l'AQMAT à un code de déontologie fort différent des critères qui prévalent chez eux. 

Notre gala est organisé dans les règles de l'art et du coup, il attire entre 70 et 80 candidatures par édition, près de 200 membres participent au vote pour élire les finalistes et 500 personnes viennent assister au dévoilement des lauréats.  Aucune des quatre associations n'organise semblable processus démocratique, préférant laisser à une entreprise privée (Hardlines), le soin d'organiser un concours canadien qui reçoit moins de 20 candidatures et dont le processus de sélection est relativement opaque.

Non, franchement, les seuls dénominateurs communs parmi ce quintette sont les mots quincaillerie et centre de rénovation.

Du reste, l'AQMAT se considère déjà comme une association nationale, au sens où le Québec est reconnu comme l'une des deux nations fondatrices du pays. Statut qui ne nous empêche nullement de prôner pour des relations étroites avec nos pairs, notamment pour échanger sur les bonnes pratiques dans la gestion de nos organismes.

Incidemment, je milite depuis mon arrivée en poste pour qu'une conférence nationale annuelle soit cooptée par les cinq associations, avec même une portée continentale, voire internationale.

En vérité, entre vous et moi, la haute-direction de WRLA n'a pas vraiment lancé de ballon d'essai. Je la soupçonne plutôt de préparer le terrain pour une proposition d'acquisition de sa voisine, BSIA, qui, disons-le en mots doux, ne domine pas le marché de la Colombie-Britannique de manière aussi évidente que WRLA trône sur les provinces des Prairies.

J'ajoute que même son autre voisin, celui à l'est, l'Ontario, autrefois le centre de l'univers (!), doit être dans la mire de la même élite expansionniste, pour ne pas dire impérialiste, qui fomente entre les murs de WRLA. Avouons, en effet, que nos collègues de LBMAO ont été fragilisés depuis l'abandon forcé de leur salon, leur vache à lait financière...

La Western Retail Lumber Association pourrait peut-être un jour mieux porter son nom qu'on ne le pense, à savoir ne plus être confinée aux plats pays que forment le Manitoba, la Saskatchewan et l'Alberta.

Ah, Jules César, sort de ce corps!

Mais avant que l'AQMAT se fasse réduire au rang de chapitre régional par la WRLA, il va neiger longtemps. Éternellement même!












mercredi 21 janvier 2015

Les néo castors bricoleurs

Presque deux Québécois sur trois (64 %) auraient mené des travaux de rénovation au cours des deux dernières années. C'est du moins ce qu'avance La Presse, à la lumière d'un sondage que le quotidien a commandé à la firme CROP(1).

En extrapolant à partir des données du sondage, La Presse établit à 1,8 million le nombre de propriétés où des travaux de réparation, d'entretien et d'amélioration ont été réalisés en 2010-2012. La statistique fait passer la réno devant la construction neuve comme poids économique, cela dans un ratio  de 60-40 en sa faveur. 

Quand on y pense, c'est énorme. Peu d'activités humaines peuvent rivaliser avec un taux pareil. On est les nouveaux castors bricoleurs(2)!

La lecture de romans rejoint 57 % de la population, selon le ministère des Affaires culturelles. Le vélo est pratiqué par la moitié des Québécois, soutient Vélo Québec, qui a possiblement gonflé les chiffres dans son intérêt. Environ 46 % jardinent et 20 % joggent. Je peine à trouver une activité qui intéresse deux personnes sur trois. Ah oui, il y a la télé. Mais peut-on qualifier d'activité le fait de s'asseoir sans bouger sur un sofa à fixer un écran lumineux?

Pour être franc, j'ai un peu embelli les chiffres. À scruter l'étude, on s'aperçoit que les travaux de rénovation n'ont pas tous été effectués par les consommateurs eux-mêmes: 16 % par des entrepreneurs généraux et 11 % par des entrepreneurs spécialisés. Ce qui ramène autour de 47 % le taux de Québécois qui ont eux-mêmes rénové leurs maisons, avec leurs mains et leur créativité.

Quoi qu'il en soit, que les travaux aient été faits ou faits faits (!), leur valeur financière garde la même importance, estimée à 11,5 milliards $ par année. Lire des livres ou faire du vélo attire autant de monde, mais ne génère vraiment pas autant de retombées.

*****

Maintenant, je vais vous dire pourquoi j'ai comparé la réno à des  activités de loisirs. C'est une autre question du même sondage qui m'a allumé, où les répondants, dans une proportion de 90 %, autant dire la presque totalité, ont qualifié "d'agréable ou de plutôt agréable" leur expérience de rénovation.

Il n'y a qu'un pas qui me sépare de pouvoir affirmer que rénover est devenu cool. 

On n'a pas été surpris de lire que les imprévus et les retards arrivent en tête de liste des mauvais souvenirs. Certains (13 %) se montrent déçus de l'entrepreneur qu'ils ont choisi.

L'enquête indique aussi que 53 % des Québécois interrogés envisagent de mener des travaux dans leur maison cette année, d'une ampleur modeste, de l'ordre de 5 000 $ pour la moitié des répondants. Les imprévus demeurent en tête de leurs inquiétudes, avec un taux de 22 %.

Terminons sur une note légère, ou dramatique, selon le point de vue. Le sondage révèle que les travaux de rénovation ont engendré, dans 18 % des cas, des disputes dans le couple, allant jusqu'à la rupture.

(1) e sondage vient d'être réalisé, entre le 5 et le 9 décembre 2014, auprès de 100 répondants par Internet.

(2) Les plus jeunes n'ont pas connu le Castor Bricoleur ou Beaver Lumber, bannière fondée en 1906, longtemps numéro un au Canada avec 138 magasins, développée par Molson, rachetée en 1987 par Val-Royal, puis part Home Hardware en 2000.

jeudi 15 janvier 2015

Mon dessein

Arbitraire ou idéologique, la censure est bien la seule chose que je crois censée de censurer. Voilà ce qui habite mes pensées par ces nuits blanchies à coups de souvenirs du temps où, moi aussi, je pratiquais le journalisme affranchi.

Les attentats survenus chez Charlie Hebdo et les tortures infligées à un blogueur par les autorités saoudiennes, c'est un même combat. L'apologie religieuse est prétextée, quoiqu'il s'agisse plus d'une croisade contre la liberté de parler, même de caricaturer.

Le pape François disait hier qu'il fallait imposer des limites au droit de parole afin d'éviter qu'on insulte ou qu'on ridiculise la foi, ajoutant que les attentats contre ce périodique étaient à prévoir. Un appui au mouvement "vous l'avez cherché" qui donne des munitions aux terroristes. Sa Sainteté a même eu le culot de lancer aux médias, poing en l'air, que lui non plus ne se laisserait pas faire si on parlait contre sa maman. Déplorable analogie ou inspiration inconsciente de l'humour pratiqué le magazine satirique?

La religion est aussi invoquée par Boko Haram lors de ses massacres et de ses enlèvements au Nigeria, ou par l'État islamique depuis qu'il usurpe le pouvoir dans le nord de l'Irak et procède à des assassinats d'otages en direct. Idem pour les Talibans au Pakistan dans leur quête d'interdire aux fillettes l'école supérieure.

Pourtant, on tue aussi des journalistes sous des régimes laïques. C'est arrivé 70 fois en 2014, en Ukraine, en Corée du Nord, au Brésil, au Paraguay, aux Philippines, au Mexique et dans d'autres contrées pas parentes avec Mahomet.

Ne soyons pas dupes. Tous ces groupes désirent au fond assujettir. Ils abhorrent l'affrontement, n'acceptent pas l’affranchissement des âmes, en veulent aux éveilleurs de conscience.

Être Charlie était et demeure mon dessein.

Arthur Miller a déjà dit: "The good newspaper is a nation talking to itself" qu'on peut librement traduire par: "Un bon journal est la nation qui se parle à elle-même."


jeudi 8 janvier 2015

2015: optimiste malgré tout

Ma nature profonde est bousculée en ce début d'année où le froid extérieur souffle le chaud social.

Journaliste toujours, bien qu'ayant quitté ce métier il y a un quart de siècle, autant dire une éternité, je suis atterré devant l'exagération terroriste par laquelle on est rendu à assassiner même l'humour, dernier pan de la liberté, comme nous l'avait brillamment montré le film La vita e bella.

Parlant de films, j'ai vu hier Unbroken (Invincible), magnifiquement dirigé par Angelina Jolie, où le héros survit aux peurs et aux douleurs extrêmes que lui infligent la vie et les hommes. Ode à la résilience, à une certaine foi, au courage face à une certaine idéologie.

Bien que la tactique échoue depuis l'ère des conquêtes de continents jusqu'aux dernières tentatives en Irak ou en Afghanistan, on semble encore motivé à imposer aux autres notre modèle de civilisation - pourtant en crise elle-même. Ces "autres", que font-ils alors. Ils réagissent, les uns en se protégeant, les autres en attaquant. Il en résulte au mieux des dialogues de sourds, au pire des prises d'otages ensuite décapités.

Notre société malade génère à la fois la dégradation et la montée des solidarités.

En Europe, les Roms et d'autres migrants deviennent boucs émissaires. Ici, l'idéologie néo-libérale caractérisée par son manque de nuances sur le terrain va conduire à une certaine précarité de certains individus plus vulnérables, de certaines régions plus dépendantes du filet social.

Tournons la médaille de côté, voyons sa face positive. Je sens, je constate un réveil général. Sur la survivance d'un sexisme latent. Sur les dangers de la censure. Sur les risques collatéraux du caviardage d'un contrat social.

"Je ne vois pas, sinon dans l’inespéré, la lueur de l’espoir."

Cette parole d'un homme plus grand que moi, plus grand que nous, Edgar Morin*, nous fait passer de la désillusion à la confiance quand on la lit une deuxième fois. Puis on se remonte le moral et les manches d'un autre cran (jeu de mots, ici!) quand on la lit une troisième fois. Je vous laisserai donc sur elle.

* Philosophe et sociologue, Edgar Morin a résisté au stalinisme, au nazisme pendant la Seconde Guerre mondiale, à la guerre d’Algérie et à bien d’autres formes de barbarie. À lire absolument pour sa clairvoyance, cette entrevue.