mercredi 22 mai 2013

La culture du silence dans l'industrie de la construction



Cette semaine, je cède mon espace de blogue à un confrère de l’Association canadienne des rénovateurs.

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J'ai déjà parlé du fait que la plupart des entrepreneurs et des travailleurs ne portaient pas de casque de sécurité sur les chantiers de rénovation domiciliaire. On parle d'une « culture »! Ce qui signifie que si le patron ou le contremaitre ne porte pas de casque, c'est la norme de ne pas le faire. Si vous décidez de le porter, vous avez l'air d'un « looser », pire, d'une « tap...»!

Avec une telle culture, on peut ainsi faire bien des compromis sur la sécurité, comme de ne pas attacher les échelles au haut et au bas comme le veut le Code de sécurité. Ou encore se servir d'équipement endommagé et dangereux. Et que dire de ce trou dans le plancher qui devrait être recouvert ou entouré de garde-fous? Une chute de 15 pieds sur la dalle de ciment du sous-sol. Malgré cela, tous les travailleurs ainsi que le patron continuent à travailler autour du problème. Et sur le toit, personne n'utilise de harnais de sécurité ou s'ils le font, le harnais n'est même pas attaché!

Je ne parle pas d'une situation hypothétique : je l'ai vu maintes et maintes fois sur les chantiers. Je ne suis pas le seul à le constater : les nouveaux travailleurs le voient aussi, mais sont astreints au code du silence. Ils se sentent mal placés pour en parler, lorsque la culture veut que l'on contourne les règlements, que l'on coupe les coins ronds et que l'on ne fasse surtout pas de vague.

Cette situation est alarmante et dangereuse. Au fil des ans, j'ai connu plusieurs entrepreneurs qui ne sont jamais revenus à la maison après le travail à la suite d'un accident de travail mortel. Pour une question de mauvaise gestion et de pratiques sécuritaires inexistantes. Cela s'inscrit dans une volonté de terminer le travail le plus rapidement possible, en ignorant le bien-être de la ressource la plus précieuse, les travailleurs. J'ai déjà été sur des chantiers où des travailleurs ont trouvé la mort ou, pour les plus « chanceux », se sont retrouvés en fauteuil roulant. C'est effrayant : vous ne voudriez pas en être témoin, moins encore victime.

Ceux qui survivent à un accident de travail doivent souvent vivre avec des douleurs pour le restant de leurs jours. S'ils reçoivent tout d'abord des prestations de la CSST ou de régimes d'assurance privé, ces paiements peuvent cesser peu après l'accident. Un bon ami est tombé d'un toit et s'est retrouvé en fauteuil roulant pendant un an. Les prestations ont pris fin un an après qu'il ait quitté ce fauteuil. Neuf années plus tard, il ne peut toujours pas conduire une voiture et peine à trouver de l'emploi. Il n'a jamais retrouvé sa vie d'antan.

Il est grand temps de mettre fin à cette culture du silence.

Alec Caldwell
Président et fondateur de la Canadian Association of Renovators and Home Services (CARAHS)