jeudi 10 mai 2012

Le serpent s'est mordu la queue

On dit que les extrêmes finissent par se rejoindre. Ainsi, un État socialiste pur pourrait engendrer une dictature des fonctionnaires sur les citoyens bien que l'idée d'un tel régime est généralement associé à la droite. Ceci pour vous parler des présidentielles françaises? Non. La France vient certes de virer, sauf que la marge de manoeuvre du nouveau président dit de gauche est tellement étroite qu'il pourra peu et lentement appliquer le programme de son parti.

Je veux plutôt vous parler du fait que depuis mardi, grâce à nous*, Visa et MasterCard sont au banc des accusés à Ottawa.

* "Nous" réfère aux coalitions québécoise et canadienne d'associations de marchands qui défendons depuis trois ans la situation de duopole qu'occupe Visa et MasterCard face aux détaillants.

Donc, le Tribunal de la concurrence accueille la cause qui nous est si chère - et nous coûte si cher!

 Les audiences, qui se déroulent essentiellement comme un procès, pourraient durer jusqu'à la fin de juin.

En notre nom, Me Kent Thomson du Bureau de la concurrence du Canada affirme que les deux principaux émetteurs de cartes de crédit ont mis en place un système tordu qui contourne les règles normales du marché et coûte chaque année cinq milliards de dollars aux consommateurs, puisque tout se paie.

C'est ainsi que les voyages en Floride et autres primes cadeaux officiellement offerts par Visa et MasterCard grâce aux programmes de récompenses associés aux cartes dorées, platines et autres couleurs minérales de luxe et obtenus par les grands utilisateurs du crédit se trouvent en fait subventionnés par l'ensemble des détenteurs de cartes dont la majorité n'accumulera jamais assez de points pour en profiter.

À notre égard, l'agence fédérale plaide que les détaillants canadiens subissent des règles contraignantes et coûteuses. On doit acquitter des frais qui comptent parmi les plus élevés de la planète lors de transactions par carte de crédit, lesquels frais peuvent être jusqu'à 50 fois plus élevés que ceux des cartes de débit.

En refusant d'ajuster les prix de vente en fonction de la couleur de la carte, Visa et MasterCard retirent aux marchands leur capacité habituelle à fixer librement les prix de vente de leurs produits et services selon tous les coûts de revient qu'ils ont à supporter. Les marchands perdent la maîtrise de l'un des intrants les plus lourds de conséquence sur leur marge bénéficiaire, les frais de crédit, puisque ne sachant pas quelle carte le consommateur sortira de son portefeuille, il s'en suivra des frais pouvant varier de 1 % à plus de 5 % à payer à Visa ou MasterCard. L'écart est simplement ingérable.

Il s'agit d'une pratique qui va à l'encontre de la loi du marché sur laquelle repose notre système économique et qui d'autant répréhensible qu'elle abhorre une odeur de collusion du fait que Visa et MasterCard agissent exactement avec le même comportement depuis des années, ce qui ligote les petites et moyennes entreprises. L'impact est grave car les deux géants contrôlent environ 92 % de toutes les opérations faites sur cartes de crédit au pays...

Quand des joueurs aussi symboliques que les émetteurs de cartes de crédit versent dans l'extorsion organisée et systémique envers ceux qui devraient être leurs partenaires, il urge de procéder à un rappel à l'ordre. C'est l'appel lancé par les avocats de l'agence fédérale de la concurrence qui doit être entendu par le tribunal pour le bien pérenne de notre système économique.

Un serpent ne doit pas se mordre la queue.

Pour plus d'information: Bureau fédéral de la concurrence