mercredi 5 février 2014

Ma secrétaire voilée

Bouchra est connue d’au moins la moitié de nos membres. C’est la réceptionniste de l’AQMAT. C’est mon adjointe. C’est la responsable de l’accueil et des inscriptions lors de tous nos événements. Ils la reconnaissent aisément puisqu’elle est voilée.

Porte-t-elle le hijab à cause de son père ? Il est décédé quand elle était petite. À cause de son mari ? Non plus, elle n’en a pas. Pas encore, en tout cas.

Elle interprète les textes du Coran à propos de la pudeur avec laquelle les femmes devraient se comporter devant tout homme, sauf ceux de sa famille.

Signifiant littéralement « récitation », ledit livre s’est écrit dans une version primitive de la très riche langue arabe moderne, à partir de récits oraux, accordés à Mahomet, le messager.

En raison de la culture qui régnait dans la Péninsule arabique du 13e siècle, on comprendra qu’une lecture anthropologique est nécessaire pour une compréhension exacte du Coran, qui, du reste, contient beaucoup d’emprunts de termes non arabes, surtout de la langue syro-araméenne.

D’où une variété de prescriptions quant au port ou non du voile, selon le pays
musulman observé, voire en fonction de l’orientation du parti au pouvoir.

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Le terme « voile » en français, en référence au vêtement – et non pas au rideau - est abordé deux fois dans le Coran :

Dans la sourate 23 : « Ô Prophète ! Dis à tes épouses, à tes filles, et aux femmes
des croyants, de resserrer sur elles leurs voiles : c’est pour elles le meilleur
moyen de ne pas être offensées. » Le mot arabe jalabibihenna est le féminin
pluriel de jilbab (la djellaba maghrébine ou la galabeyya égyptienne), signifiant
« robe », « habit », « châle » ou « mante ».

Dans la sourate 24 : « Dis aux croyantes de baisser leurs regards, de garder leur
chasteté, et de ne montrer de leurs atours que ce qui en paraît et qu’elles rabattent
leur voile sur leur poitrine ». Il s’agit ici du mot arabe khimar qui signifie
« mante » ou « mantille ». Quant à la référence à la « poitrine », il s’agit du terme
arabe juyb, qu’on peut traduire en français par corsage ou encore par décolleté.

Donc, pas d’injonctions vestimentaires, au mieux des règles de bienséance. Et
l’intention de camoufler la chevelure n’est pas écrite, noir sur blanc.

Nonobstant cela, nombre de musulmanes, de leur gré, comme dans le cas de
Bouchra, ou contraintes, extrapolent la portée des mots du Coran.

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Cela me pose-t-il un problème comme gestionnaire ? Non. Un membre m’a-t-il
déjà avoué un malaise devant le fait que Bouchra soit voilée ? Non plus.

Ma secrétaire voilée prie à la maison en dehors du boulot. Elle s’avère depuis quatre ans une employée intelligente, dévouée, dont la vie spirituelle contribue à lui assurer une force résiliente
utile, dans une petite organisation hyperactive comme la nôtre.

Je n’engagerai pas l’AQMAT dans une position pour ou contre la charte. Je me contenterai de rappeler que dans plusieurs pays musulmans visités, j’ai constaté que les femmes participant à la vie publique n’ont pas l’obligation de se voiler, voire en sont interdites.