jeudi 24 février 2011

Les authentiques devant l'imposture

Elle s'appelle Ève. Comme, certains le croient, la première femme, la première à avoir péché. Elle aurait pu s'appeler Sophie pour son attaque à nombre de sophismes ancrés dans les nuits de tout temps:

- celui de pretendre que c'est le plus vieux metier du monde;

- que celles qui le pratiquent aiment toutes cela;

- qu'il faut faire avec, au mieux encadrer l'activité juridiquement et punir plus fort judiciairement.

La réalisatrice du film militant L'imposture qui prend l'affiche dans le but déshabiller la prostitution pour la regarder sans artifices, sans préjugés, se nomme Ève Lamont. Elle propose un documentaire qui se veut utile, sans style, volontairement cru. C'est ce qu'en disent les critiques. J'irai le voir ce week-end.

Entre-temps, avant-hier, j'ai retenu les services de Roxanne. L'heure et trente de détente profonde m'a couté 100 $.

Roxanne est co-propriétaire d'un vrai salon de massothérapie. C'est une pro, tant pour réduire mes tensions que pour esquiver les imposteurs, ces hommes en quête d'exotisme génital moyennant paiement. Elle a un regard et une démarche droits, sains. Je lui ai raconté que la colonne vertébrale du film s'inspire de la recherche-action poursuivie par la Maison de Marthe, l'organisme que j'ai aidé, que plusieurs d'entre vous avez soutenu, en finançant mon ascension du Kilimandjaro.

C'est Roxanne qui m'a parlé de Sophie ou de sophisme, sans nécessairement employer le mot. À première vue, on croit tous que la prostitution demeurera parce qu'elle existe depuis toujours. Le plaisir et la liberté qu'éprouverait celle qui se prostitue est d'une logique fallacieuse dure à contrer car l'aveu du contraire tuerait le mythe que recherche le client et pour lequel, justement, il paie. Les deux protagonistes sont liés par la parodie mensongère qu'ils mettent en scène.

Pour convaincre le mâle sceptique, je lui suggère, la prochaine fois qu'il initie une aventure du genre, de demander à la dame, qu'il croit excitée par lui et heureuse du moment, d'indiquer qu'il ne paiera pas pour l'acte attendu. La partenaire sera tout à coup moins volontaire.

L'audace de la Maison de Marthe - et sans doute, le film aussi - nous conduit à voir la prostitution tel un fléau, vil comme l'esclavage, combattu encore aujourd'hui jusqu'à son extinction parce que barbare et partant, opposé à ce qu'une civilisation doit être pour mériter de s'appeler ainsi.

Depuis la première ligne du blog d'aujourd'hui, j'ai parlé de femmes et des femmes. Peut-être aurais-je dû traiter des hommes, car l'homme qu'il faut traiter en bout de course. C'est plus fort que moi, le dernier mot sera féminin. Il sera le symbole d'une beauté qui sait se défendre en vertu de ses épines, et grâce à qui l'avenir de la prostitution pourrait ne pas être de sa couleur: Rose*.

*En référence à Rose Dufour, anthropologue, fondatrice de la Maison de Marthe, auteur de Je vous salue Marion, Carmen, Eddy… Le point zéro de la prostitution, Éditions MiltiMondes, 2004. (Également épouse de mon beau-père)